Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

théâtre, sur le devant d’une loge placée en face de la sienne, soit sur les marches des escaliers des Italiens, lorsqu’avec mille autres elle y attendait son tour de voiture, — une femme mince et fièrement cambrée, qui, comme une vipère dressée sur sa queue, comme la guivre du blason des Sforza, lui lançait deux yeux d’escarboucles, opiniâtrement dévorants. On a déjà vu combien l’amour si ardent de cœur et si pur de sens de la comtesse de Mendoze, paraissait faible et misérable à la fougueuse et sensuelle Vellini. Et cela qu’elle ne comprenait pas (quand elle rencontrait Mme de Mendoze), lui affilait encore le regard et le rendait insupportable.

Aujourd’hui, elle ne se contenta pas de la regarder, elle lui parla.

« C’est donc vous, comtesse de Mendoze ! — lui dit-elle familièrement, en digne fille adultérine d’une duchesse, qui croyait, sans doute, que toutes les femmes étaient égales devant l’amour. — Il y avait longtemps que nous ne nous étions vues. Nous nous rencontrons donc encore une fois.

— Vous savez mon nom, madame, — répondit la comtesse, avec une dignité triste qui trancha sur le ton hardi de la señora ; — moi, je ne sais pas le vôtre. Mais depuis longtemps, je vous connais. Jamais vous ne m’aviez parlé