Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’après Thermidor. Il s’était battu pour le petit Capet et les dix-huit boutons à l’habit[1], autant que s’il avait été élevé, avant les désastres de la monarchie, pour entrer dans la Maison Rouge au lieu d’entrer dans les Enquêtes. Il avait été le poing le plus sur la hanche de cette époque de bretteurs, et la fleur des pois des muscadins. À cette époque, il avait tourné la tête à une héritière avec le muscle de son mollet. Il s’était marié richement et avait vécu sur ses terres. Très poli pour les autres, mais très pointilleux, très despote chez lui, très colère, il avait été dans sa campagne le plus violent des juges de paix. Libertin, mais galant et discret ; égoïste comme Fontenelle lui-même, sans cet esprit qui excuse tout, mais avec l’excellent ton qui le vaut presque, il avait fait mourir sa femme de chagrin, planté une magnifique croix sur sa tombe, et sur sa mémoire une phrase convenablement mélancolique qu’il répétait toujours quand on lui en parlait, et… tout avait été dit. Difficile à satisfaire, quin-

  1. Historique. Le petit Capet (chapeau) voulait dire Louis XVII ; les dix-huit boutons, Louis XVIII. Cette époque fut magnifique d’héroïsme individuel. La monarchie de Richelieu, ingrate dans le passé pour la noblesse de France, avait trouvé moyen de l’être dans l’avenir. Les derniers combats de la noblesse française pour la royauté ont été des duels.
    (Note de l’auteur.)