Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/128

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s’éteindre le feu lointain, ce feu qui n’était pas l’incendie d’Avranches, car Avranches à brûler aurait demandé plus de temps, voilà que tout à coup nous entendîmes sous nos pieds, au bas de la tourelle, le hou-hou mesuré de la chouette, et, magie de l’amour ! Aimée reconnut tout de suite de quelles paumes de mains était parti ce hou-hou, qui me parut sinistre, à moi, tant il était plaintif ! et qui lui parut joyeux et triomphant à elle, parce qu’il lui annonçait l’homme qui était devenu sa vie, et qui lui rapportait la sienne !

— C’est lui ! s’écria-t-elle, et nous descendîmes de la tourelle avec la rapidité de deux hirondelles qui plongent d’un toit vers le sol.

Et en effet, c’était M. Jacques ! M. Jacques, le visage noirci, les cheveux brûlés, l’air d’un démon ou plutôt d’un damné, échappé de l’enfer, car les démons y restent…

— Ah ! lui dis-je, incorrigible, toujours prête à rire, même dans les malheurs ! parti blanc comme un sac de farine, revenu noir comme un sac de charbon !

— Oui, répondit-il en mordant sa lèvre, noir de deuil ! Le deuil de la défaite ! Le coup a manqué, mademoiselle… Il faut recommencer demain.

Le coup était manqué, et pourtant, — reprit la vieille chouanne animée de plus en