Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/130

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impossible, bouchant la porte des maisons, menaçant les fenêtres des rez-de-chaussée, qu’on avait, dans beaucoup d’endroits, calfeutrées de leurs contrevents, par peur d’enfoncement des vitrages sous la corne de quelque bœuf en courroux ou la croupe reculante de quelque cheval effaré. Un instant retardées par leur accumulation aux angles des rues, au resserrement des venelles et aux tourniquets des carrefours, ces puissantes troupes de bœufs et de chevaux reprenaient bientôt leur marche lente sous les pieds de frêne de leurs conducteurs, et s’avançaient serrés si dru les unes contre les autres, qu’on eût dit un fleuve qui coulait. Le mouvement de ces masses de bêtes et de gens se faisait surtout dans un sens, dans la direction du champ de foire, qui était la place du marché, à l’un des angles de laquelle s’élevait la prison où était renfermé Des Touches.

Il semblait que ce fût là une circonstance menaçante pour le dessein des Douze, que cette foule épaisse qui, ceignant la prison de tous les côtés, augmentait naturellement la difficulté d’y pénétrer ou d’en sortir ; mais cela leur parut, au contraire, un heureux hasard, à ces énergiques cœurs, tournés à l’espérance ! Avec le génie des petites troupes résolues, n’avaient-ils pas toujours compté, pour faire