Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/135

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de l’apprivoiser… Cela ne devait pas être facile. Mais Vinel-Aunis était Vinel-Aunis ! Son surnom parmi nous était Doute de rien ! et il le portait comme un panache ! Il passait pour ce que l’on appelle un loustic de régiment, mais il était, par-dessus le marché, un beau garçon bien découplé, d’une tournure d’officier superbe, et qui, pour l’instant, faisait un blatier très-faraud aux larges épaules, comptant sur trois choses qu’il estimait irrésistibles, même séparées : primo, par Dieu ! ses avantages physiques ! secundo, une langue à laquelle il faisait tout dire et comme de ma vie je n’en ai revu une pareille à personne ; et tertio, une bonne poignée d’assignats ! C’était un gaillard toujours prêt à tout. Il n’avait qu’un mot : À la guerre, disait-il, comme à la guerre ! Probablement le morceau qu’on lui jetait ne le ragoûtait pas, mais il sauta lestement par-dessus ses répugnances. Il eut l’aplomb de se présenter à cette geôlière d’Avranches, dont la physionomie était aussi atroce que la renommée, avec la fleur de fatuité qu’en France les blatiers peuvent avoir comme les officiers, et ce génie impayable de la Plaisanterie, qu’il avait développé dans Royal-Aunis. Et malgré l’horreur très-légitime que devait lui inspirer une créature qui pouvait encore avoir aux lèvres du sang de Belzunce,