Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/138

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nant plus sombre seulement à mesure qu’elle buvait, mais restant froide sous ces libations sans vertu, il voulut faire à sa cousine, l’aimable blatier, la politesse de l’eau-de-vie, et il en envoya chercher au cabaret voisin par une petite fille que la Hocson appelait : « la petiote à son fils. » Mais cette femme, cette Hocson, nous dit-il plus tard, à Touffedelys, était plus difficile à mettre à feu que la prison d’Avranches, qui y était trois heures après. C’est que cette femme, monsieur de Fierdrap, avait dans le cœur ce qui empêche l’ivresse, l’ivresse qui, dit-on (ceux qui boivent !), est un oubli, une illusion, une autre vie dans la vie. Elle avait un souvenir dans le cœur plus fort que l’ivresse, qui glaçait l’ivresse et que l’ivresse ne noyait pas. Et ce n’était pas, non ! le souvenir du sang de Belzunce, si réellement, comme on le disait, elle y avait goûté, mais un souvenir à tuer celui-là, à l’empêcher de penser même à ce crime, et si elle l’avait commis, d’en effacer le remords. C’était enfin, dans le fond de son cœur une plaie si large, que toute la mer changée en eau-de-vie pour la faire boire à cette femme, dont l’âme entière n’était plus qu’un trou de blessure, y aurait passé comme dans un crible, sans rien engourdir et sans rien fermer !

La pléthorique mademoiselle de Percy, que