Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

montant toujours, ils poussèrent alors, pour qu’on vînt les dégager du dehors, le cri que leurs amis, autour de la tente, attendaient comme un commandement :

« À nous les blatiers ! »

Ce dut être un curieux spectacle ! Les blatiers répondirent à ce cri par le claquement de leurs fouets terribles, et ils se mirent à sabrer cette foule avec ces fouets qui coupaient les figures tout aussi bien que des damas ! Ce fut une vraie charge, et ce fut aussi une bataille. Tous les pieds de frêne furent en l’air sur une surface immense. La foire s’interrompit, et jamais, dans nulle batterie de sarrazin, les fléaux ne tombèrent sur le grain comme, ce jour-là, les bâtons sur les têtes. Dans ce temps-là, la politique était à fleur de peau de tout. Le moindre coup faisait jaillir du sang dont on reconnaissait la couleur, à la première goutte. Le cri : « Ce sont les Chouans ! » partit de vingt côtés à la fois. À ce cri, la générale battit. Cette générale, que nous n’avions pas entendue du haut de la tourelle de Touffedelys, couvrit Avranches et le souleva. Le bataillon des Bleus voulut passer à la baïonnette à travers cette masse qui roulait dans le champ de foire, comme une mer, mais impossible ! Il aurait fallu percer un passage dans cette foule d’hommes, d’enfants et de