Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/229

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achevait de brûler, en silence et sans secours, le moulin à vent solitaire, que l’incendie avait mutilé et qui n’avait plus que trois ailes qui tournaient encore. Placées de manière à être atteintes les dernières par la flamme, elles avaient fini par s’enflammer. L’une d’elles avait brûlé plus vite que les autres, mais les trois autres avaient pris aussi, et elles flambaient, et, en tournant, leur roue faisait pleuvoir des étincelles, comme dans l’après-midi elle avait fait pleuvoir du sang. Quoiqu’il fût déjà loin en mer à cette heure, le terrible brûleur de ce moulin pouvait le voir se consumant dans cet air sans vent, avec sa flamme droite comme celle d’un flambeau, par cette nuit transparente, qui n’avait pas une vapeur, chose rare sur la Manche, cette mer verte comme un herbage, dont les brumes seraient la rosée. Je ne sais quelle tristesse me saisit, moi, la grosse rieuse. La femme, que j’avais sentie en moi, quand j’avais vu Des Touches si cruel, je la ressentis encore qui revenait sous mes habits de chouan… La pitié m’inondait le cœur pour Aimée, à qui j’allais avoir à apprendre la mort de M. Jacques, cette mort que Des Touches avait vengée, ce qui ne la consolerait pas !

Mademoiselle de Percy s’arrêta de cette fois, comme quelqu’un qui a fini son histoire. Elle rejeta les ciseaux dont elle avait gesticulé, dans