Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/230

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les tapisseries, empilées avec leur laine sur le guéridon.

— Voilà, baron, dit-elle à M. de Fierdrap, cette histoire de l’enlèvement de Des Touches que mon frère vous avait promise.

— Et que vous avez fort bien narrée, ma chère Percy, — fit mademoiselle Sainte qui, voulant être aimable, lui envoya de sa bouche innocente l’éloge cruel de ce mot déshonorant. »

Mais le baron de Fierdrap, qui avait parlé si légèrement du chagrin d’Aimée, l’antisentimental pêcheur de dards, qui ne se souciait guère de ceux de l’amour, disait l’abbé, quand il était en verve de calembredaines, le baron de Fierdrap était devenu tendre ; il était redevenu le baron Hylas, et il voulut qu’on lui parlât d’Aimée.

— Ce fut moi, lui dit donc mademoiselle de Percy, qui lui appris la mort de son fiancé. Elle pâlit comme si elle allait mourir elle-même et elle s’enferma pour cacher ses larmes. Chez Aimée, vous l’avez vu, baron, tout porte en dedans, et le dehors ne perd jamais son calme. La seule chose extérieure de ce chagrin, renfermé dans son cœur, comme une relique dans une châsse scellée, fut la funèbre fantaisie de faire déterrer celui qu’elle appelait son mari, du pied du buisson où nous l’avions couché, et de le rouler dans cette robe de noces qu’elle