Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/231

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avait portée un seul soir et qu’elle lui tailla en linceul.

Plus tard, lorsque les prêtres furent revenus et les églises rouvertes, pieuse comme elle est, ne pouvant supporter l’idée de ne pas reposer un jour près de lui, elle le fit transporter en terre sainte. Tout cela eut lieu, baron, sans éclat, sans retentissement, pour l’apaisement de son cœur, dont elle couvre le navrement sous des sourires qui entr’ouvriraient le ciel à des malheureux moins malheureux qu’elle. Quand, au milieu de son désespoir et de cette pâleur qu’elle a gardée toujours depuis cette époque, car elle n’a jamais repris entièrement cet incarnat de cœur rose-mousse entr’ouverte qui la faisait la rose reine des roses de Valognes, où la moindre des filles des rues éblouit de fraîcheur, quand on lui apprit que Des Touches était sauvé, elle eut encore ce coup de soleil inexplicable qui la faisait devenir une statue de corail vivant.

Et inexplicable elle est restée, monsieur de Fierdrap, cette rougeur inouïe ! Les années sont venues, le temps a marché, la vie n’est plus pour elle qu’un grand silence dans une seule pensée ; la surdité, l’isolante surdité, a bâti son mur entre elle et les autres, et l’a renfermée dans sa tour, comme elle dit. Eh bien, que le nom de Des Touches dont on