Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/232

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parle bien peu maintenant, soit dit par hasard devant elle, et que ce jour-là soit aussi un jour où elle entende, la rougeur reparaîtra brûlante sur ces tempes d’une pureté de fille morte vierge, et où les cheveux blancs, si elle n’était pas blonde, auraient commencé à glisser leurs pointes argentées. C’est incroyable, baron, mais cela est. Tenez, je ne voudrais jamais lui faire volontairement la moindre peine, à cette noble fille, mais si je n’étais pas retenue par cette crainte, et que, me levant de ma place, j’allasse jusqu’à elle qui travaille à son feston sous cette lampe depuis trois heures sans avoir entendu un seul mot de ce que nous avons dit, et que je lui criasse à l’oreille :

— Aimée, le chevalier Des Touches n’est pas mort ! L’abbé vient de le rencontrer sur la place ! »

Parions, baron, que la rougeur, l’inexplicable rougeur reparaîtrait sur le visage de la fiancée de M. Jacques, qui n’a jamais aimé que lui…

— Je ne dis pas non, dit l’abbé profondément. Cela est sûr qu’elle aimait M. Jacques. Mais qui sait, fit-il en baissant la voix, précaution inutile pour elle, mais comme s’il avait craint pour lui-même ce qu’il disait… si, par impossible, elle n’était pas aussi pure… »