Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/242

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vinrent comme ils venaient souvent, à petits pas… Ils cernèrent la maison… C’était le soir. Je me serais bien fait tuer, risquant tout, tirant par les fenêtres comme à la Faux, mais j’avais mes dépêches. Elles me brûlaient…. Frotté attendait. Ils l’ont tué, Frotté, n’est-ce pas vrai ?… »

Je tremblai que l’idée de Frotté ne l’entraînât trop loin de ce que je voulais qu’il me dît.

— Tué, fusillé ! lui dis-je. Mais Aimée ! »

Et je lui secouai durement le bras !

— Ah ! reprit-il, elle pria Dieu… entr’ouvrit les rideaux pour qu’ils la vissent bien… C’était l’heure de se coucher… Elle se déshabilla. Elle se mit toute nue. Ils n’auraient jamais cru qu’un homme était là, et ils s’en allèrent ! Ils l’avaient vue… Moi aussi… Elle était bien belle… rouge comme les fleurs que voilà ! désignant les fleurs du parterre. »

Et son œil redevint vide et atone, et il se remit à divaguer.

Mais je ne craignais plus sa folie. Je tenais mon histoire ! Ce peu de mots me suffisait. Je reconstituais tout. J’étais un Cuvier ! Il était donc vrai, l’abbé avait tort. Sa sœur avait raison. La veuve de M. Jacques était toujours la Vierge-Veuve. Aimée était pure comme un lis ! Seulement elle avait sauvé la vie à Des Touches, comme jamais femme ne l’avait sauvée