Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/90

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salle de Touffedelys, où nous les avons tant laissé causer à voix basse, dès que nous eûmes appris qu’ils s’étaient promis l’un à l’autre, lui aura-t-il révélé le secret de sa vie ? Mais si cela fut, elle l’a bien gardé ! Tout est enterré dans ce cœur avec son amour ! Ah ! Aimée de Spens ! c’est une tombe, mais une tombe sous une plate-bande de muguets calmes ! Tenez, monsieur de Fierdrap, regardez l’air placide de cette fille finie, dont la vie, depuis vingt ans, est désespérée et si simple, de cette créature digne d’un trône, et qui mourra pauvre dame en chambre du couvent des Bernardines de Valognes. Elle n’entend plus ; elle écoute à peine ; elle n’a pour tout que ce sourire charmant qui vaut mieux que tout et qu’elle met par-dessus tout. Elle ne vit que dans sa pensée, que dans ses souvenirs, qu’elle n’a jamais profanés par une confidence ! oubliant le monde et résignée à l’oubli du monde, ne voyant que l’homme qu’elle a aimé…

— Non, Barbe, non, elle ne le voit pas ! fit ingénument mademoiselle Sainte, toujours au seuil du monde surnaturel, et qui prit au pied de la lettre la métaphore, assez modeste pourtant, de mademoiselle de Percy. Depuis qu’il est mort, elle ne l’a jamais vu, mais elle n’en est pas moins hantée… et c’est plus particulièrement au mois dans lequel il a été tué