Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un sentiment qui tenait à beaucoup d’ignorance, de superficialité et d’injustice, mais, bien loin de nuire à son succès, il en augmenta la rapidité.

Ce ne fut pas, du reste, dans son premier ouvrage que Daumas montra, dans toute leur plénitude, les vives qualités d’écrivain qui allaient distinguer sa manière. Ce premier ouvrage était une suite d’études géographiques, statistiques, historiques, sur la région au sud des établissements français en Algérie. Il parut sous le titre du Sahara algérien[1], et il était dédié au maréchal, ministre de la guerre, duc de Dalmatie, qui en avait autorisé la publication. C’était un document presque officiel, un livre pour les hommes du métier, et quoiqu’on y reconnût la souplesse nerveuse et la propriété d’expression qui indiquent que l’écrivain est tout près et qu’on sent battre son artère, cependant la méthode sévère, exacte et presque géométrique de l’homme spécial, dominait et contenait un style plein de feu, qui ne demandait qu’à jaillir et qu’à s’échapper. Plus tard, seulement, c’est-à-dire deux ans après, on put juger, quand parut la Grande Kabylie[2], d’un genre de talent qu’on n’avait fait encore que soupçonner et qu’entrevoir ; car ce talent donna largement sa mesure et sa couleur dans ce vivant morceau d’histoire. Et je dis sa couleur à dessein, parce que Daumas est surtout un grand coloriste.

  1. Langlois et Leclerq.
  2. Hachette.