Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/179

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et heureuse, elle chercha sur les lèvres de l’homme qui ne l’aimait plus la flamme à tout jamais absente pour elle et pour lui.

— Impossible ! — fit-elle accablée, en laissant retomber ses bras.

Raimbaud, qui savait l’empire des choses extérieures sur les nerfs de cette femme mobile qu’il fallait empêcher de se replier sur elle-même de peur qu’elle n’y trouvât le vide et l’ennui, lui conseilla, après quelques moments de silence, d’aller s’habiller pour sortir. Il était fort peu moraliste, mais, quand il s’agit de faire diversion aux peines de la vie pour les femmes, leur conseiller de faire leur toilette est encore ce qu’il y a de plus profond.

Elle résista ; elle voulut rester dans ses cruelles pensées. Mais, comme M. de Maulévrier sembla l’exiger, elle quitta le jardin et monta chez elle. Elle était partie à regret, pâle, sombre, crispée, insoucieuse de son cou qu’elle livrait au soleil et de sa robe mal agrafée. Elle revint souriante, épanouie, gracieuse, mise avec le goût que Maulévrier lui savait, et portant la vie, à ce qu’il semblait, avec une légèreté aussi fière que les plumes blanches qui se cambraient sur son chapeau de paille d’Italie. C’était réellement une autre femme ! Elle se rassit près de lui pour lui faire boutonner ses gants chamois. Le fat orgueilleux, devenu sigisbée sans les profits ordinaires de ce genre