Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/42

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tions, les fausses amitiés et les faux amours, et qui n’entend pas plus les intérêts de sa beauté que s’il n’y avait pas de glace sur la cheminée et d’instinct de femme dans son cœur. Je l’ai trouvée mise comme vous auriez pu l’être, ma chère belle, vous d’une beauté si molle et si pure ! Comme vous, elle ose bien fermer à demi ces yeux qui ne sont pas trop grands, je vous jure, et qui, je crois, sont aisément durs. Mais ce qui est en vous abandon et charme n’est en elle que chatterie et perpétuels artifices. Elle travaille immensément son sourire, mais elle ferait bien mieux de l’attendre que de l’appeler.

« Rien dans ce que je lui ai entendu dire ne justifie la réputation de personne d’esprit qu’on lui a faite. D’ailleurs, l’esprit d’une femme est tout ce qui semble l’expression de son âme, et si Mme de Gesvres a de l’âme (car vous la dites bonne, compatissante, dévouée), rien n’en passe à travers sa beauté opaque qui n’étincelle jamais que du feu d’une plaisanterie, ou du désir de paraître plus grande qu’elle ne l’est en réalité, etc., etc. »

C’est ainsi que M. de Maulévrier rendait compte à la charmante petite d’Anglure de sa visite à Mme de Gesvres. Le jugement qu’il venait d’écrire, quoique vrai en plusieurs endroits, et en se tenant aux surfaces d’une nature féminine qui ne manquait pourtant pas d’une