Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/49

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appliquent d’une façon presque imprécatoire à l’homme qui ne met pas toute sa gloire à les aimer, et dont la vanité n’est pas la très humble servante de la leur. Cette bonne opinion, quand on l’a, se montre surtout dans les relations du monde avec les femmes, par l’emploi d’une politesse froide et réservée, bien éloignée des câlineries et des vertèbres de serpent qu’il fallait avoir autrefois, quand c’était un honneur de recevoir, comme le maréchal de Bassompierre, six mille lettres d’amour écrites par des mains différentes. Alors la fatuité consistait en une magnifique impudence qui disait les choses haut et net, faisait la roue sous tous les lustres, et gardait fièrement après rupture le portrait de toutes ses maîtresses pour orner sa petite maison. Aujourd’hui, la fatuité ne ressemble plus à tout cela ; elle n’est plus de l’impertinence dans le mot qu’on dit, mais dans le silence qu’on garde. Elle ne conquiert plus ; elle attend. Elle est nonchalante comme Cléopâtre. Elle ne fait plus de sièges ; elle en soutient. Dans notre temps, les hommes véritablement fats et d’une certaine valeur de vanité sociale ne font plus la moindre avance aux femmes, mais se renferment avec elles dans un bégueulisme dégoûté et convenable tout ensemble, qui est du plus majestueux effet. À cet heure, Richelieu ne se recommencerait pas sans un immense ridicule. Les Richelieu de notre âge