Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aurore ; car l’amour commence par une admiration naïve ou cachée, la préoccupation incessante, beaucoup de désirs et un peu d’espoir. Or, l’espoir de ce fat de Maulévrier était immense, et la vanité d’avoir pour conquête, dans les chroniques de la médisance parisienne, une femme d’un esprit et d’une beauté de si haut parage faisait terriblement flamber ses désirs.

Quant à elle, elle sentait un intérêt nouveau se glisser dans sa vie, et ce n’était pas seulement l’intérêt de l’intérêt qu’on inspire, ce n’était pas seulement celui d’un de ces commencements sans la fin, qui pour elle n’avaient été que trop nombreux. C’était quelque chose de plus fort et de mieux accueilli. Elle espérait que, si cet intérêt grandissait et devenait de l’amour, il emporterait l’apathique ennui dans lequel trempait sa vie depuis si longtemps. Elle avait vu M. de Maulévrier à travers les larmes de Mme d’Anglure : c’était quand elle ne le connaissait pas ; maintenant elle trouvait que la tête allait fort bien à l’auréole, et que tant de larmes avaient eu raison de couler ; mais comme, hors ces larmes, celle qui les versait n’était qu’une faible tête après tout, Mme de Gesvres s’apitoyait fort sur ce que ce pauvre Maulévrier n’avait pas trouvé en Mme d’Anglure la femme qui convenait à ce qu’il avait de distingué dans l’esprit et peut-être d’exigeant dans le cœur. Ainsi, pour elle, comme pour