Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait très bien penser que c’était là une de ces délicates comédies prolongées dans les intérêts du dénouement, comme en jouent souvent les femmes expertes en bonheur ; car, excepté cette sourde oreille de haute chasteté, cette retenue de robe montante seulement dans le langage, tout ce qu’osait M. de Maulévrier dans les détails du tête-à-tête ne rencontrait pas une résistance, et Dieu sait si la contemplation était dans les allures de son génie ! Bérangère de Gesvres était beaucoup trop marquise pour avoir, au moindre transport de l’homme dont elle avait, en résumé, accepté l’hommage, puisqu’elle le recevait tous les soirs, de ces soulèvements de pudeur effarouchée qu’ont les femmes de mauvais ton qui se croient vertueuses, de ces désordres qu’à leur rougeur on prendrait presque pour des désirs. Elle n’avait point la prétention d’être un ange, et cependant elle eût mieux justifié, à certains égards, une telle prétention que beaucoup de femmes, à la tournure en fuseau, posées éternellement en vignettes de poésies modernes, vaporeuses créatures qui boivent quatorze verres de vin de sauternes après souper, et se vermillonnent quand les doigts d’un homme ont pressé leur main à travers un gant. Elle n’était point de cette race d’êtres éthérés et d’une moralité si supérieure, mais c’était une femme que l’horreur de tout ce qui n’était pas gracieux préservait. Elle ne