Page:Barbey d’Aurevilly - Le Cachet d’onyx, Léa, 1921.djvu/80

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beau, comme elle savait plus triste, et c’était elle encore ! Elle, millier de perceptions mystérieuses pour les autres, et lumineuses pour lui, que l’amour versait à plein dans son intelligence, comme les molécules transparentes d’un jour d’Italie dans un regard ; elle enfin, que les autres, qui ne l’aimaient pas, auraient pensé peut-être à plaindre, mais jamais à admirer !

La belle saison était avancée, et Mme de Saint-Séverin, désolée, demandait à Dieu dans ses prières que sa fille ne finît pas plus vite que l’été. Qu’il faut de désespoir pour qu’une femme ne croie plus à la possibilité d’un miracle en faveur de l’être qu’elle chérit. Le dernier soir que Léa vint à la terrasse, Mme de Saint-Séverin aurait bien dit : « Elle ne reviendra pas s’asseoir ici », tant elle voyait clair dans l’état de sa fille. Des pressentiments ne trompent pas quand on aime ; mais ce n’étaient plus des pressentiments qu’avait Mme de Saint-Séverin, c’était la science du médecin habile qui verrait à travers le corps la maladie, et qui assignerait à heure fixe le moment où il entrerait en dissolution. Une connaissance, une infaillibilité que le savoir humain ne donne pas, le sentiment la lui avait acquise. Ah ! ne dites point que la