Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/103

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Seulement, quand la pauvre diablesse d’érudite ne se contenta plus de cette fonction domestique de ramasseuse d’épingles, au service de l’Histoire, et qu’elle voulut aborder l’histoire elle-même et construire une théorie des lois de la monarchie (rien que cela !), elle montra, par son propre exemple, l’impossibilité pour toute femme de toucher à l’histoire ; et pourtant elle avait derrière elle le robuste Brequigny, qui la conseillait et l’aidait, quand elle jouait ainsi à la Montesquieu ! Il y a toujours du monde à côté, disait Balzac, en parlant des cabinets particuliers. Il y a aussi toujours un homme à côté, quand une femme prend l’ambition de faire œuvre d’homme, et quelle plus œuvre d’homme que l’histoire ?… Les femmes seules ne peuvent y atteindre que par le petit bout, — le bout des Mémoires, des commérages, des anecdotes, des choses, personnelles, charmantes souvent sous leurs plumes ; mais pour l’histoire en elle-même, la grande Histoire, interdite même aux poëtes, aux imaginations de trop de flamme, aux génies inventifs, tant elle exige un regard calme et clair pour discerner les choses, et une main juste et ferme pour n’en pas manquer les proportions !… comment osent-elles s’en mêler ?… Et ce n’est pas seulement leur sensibilité, leur imagination et leurs nerfs qui rendent les femmes parfaitement incapables de se mesurer avec les difficultés de l’histoire ; car Mme Daniel Stern n’a ni feu d’imagination, ni sensibilité, ni nerfs, et elle n’a pas plus réussi dans son Histoire des commencements de la République aux Pays-Bas (quel titre !) que si elle les avait !


VII


Mais elle ne les a pas. Aucune de ces trois choses qui font la femme tout entière, aucun de ces trois rayons qui composent cette jolie petite foudre qu’on appelle