Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/107

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fatigante des monotonies ; mais pour cette femme qui veut être homme, c’est là de la gravité magistrale que cette carrure et cette allure. Le livre de Mme Stern est, par la forme, le pensum de la gravité affectée, comme il est, par le fond, le doctrinarisme de la Libre-Pensée et l’expression de ces misérables généralités philosophiques qui sont les vulgarités intellectuelles de ce temps. Sans initiative par elle-même, sans idée qui lui appartienne, elle ne change rien à ce courant qui l’entraîne. Livrée aux préjugés orgueilleux de l’esprit moderne, mais sans conviction réfléchie et profonde, elle a, entre le Catholicisme et le Protestantisme de ce temps dont elle écrit l’histoire, — entre Philippe II et Guillaume d’Orange — l’impartialité de l’indifférence ; car elle regarde les choses religieuses au point de vue de cette Libre-Pensée qui dit, comme les Médecins de Molière, que « tout est changé » quand il n’y a rien de changé ! Le combat éternel entre l’Église, qui est l’Autorité, et la Révolte, qui est le Protestantisme, est le même au xixe siècle qu’au xvie. Est-ce qu’hier, la Commune n’égorgeait pas nos prêtres et ne souillait pas nos églises ?… Mme Stern, avant la Commune, ne se doutait pas que la question religieuse bouillonne toujours sous nos pieds, à travers la poussière des faits politiques. Mais une tête de penseur plus énergique qu’une tête de femme l’aurait vu !

Elle, elle ne voit rien, ni ne sent rien. D’attitude, dans les livres, je ne connais personne de plus insolemment placide. Rien ne bat sous sa mamelle gauche. Je le crois bien ; elle n’en a pas ! Et elle n’a pas eu besoin de la couper, comme une amazone. La philosophie la lui a desséchée. On a dit assez spirituellement que les femmes naissent et vivent femmes, mais qu’elles meurent vieilles filles. Mme Stern est une de ces vieilles filles-là… C’est une bréhaigne littéraire. Ses livres ne sont point sortis de ses entrailles, mais de ses prétentions. Ils ne sont pas, du reste, plus mauvais que d’autres, mais ils res-