Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/125

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après avoir traversé ces paradis qui ne lui paraissent que des ombres et des effacements spirituels, le paradis réel de mon Dieu ne ressemble pas à ceux-là ! J’en connais les bords, et de ces bords émergent tant de clartés ardentes, que mon cœur brûle en moi. Son paradis, je m’y retrouve perfectionnée, sanctifiée, avec mon âme, avec mes affections, avec tous mes souvenirs. Son paradis, oh ! qu’il est plus simple et plus splendide à la fois, plus grand et plus voisin de moi ! la vie dans le définitif, l’individualité dans l’harmonie ! »


IX


Certes, de telles idées n’ont pas la rigueur d’un enseignement. Nous le savons. Mme de Gasparin nous a suffisamment prévenus. Ce ne sont là que des inductions sublimes, des désirs qui s’élèvent de la coupe d’un cœur embrasé ; mais qui sait, disait profondément le vieux Gœthe, qui n’était pas toujours profond, si le désir n’est pas le pressentiment du possible ? Seulement, intuition dans le vrai ou erreur sans inconvénient, il faut avouer que l’âme qui projette ces idées est d’une énergie de personnalité incomparable ! C’est là ce que la Critique est tenue de constater. L’auteur des Horizons célestes, en transbordant la vie de la terre et de la mémoire dans les délices du sein de Dieu, l’auteur des Horizons célestes nous a donné un livre de la sensibilité humaine et même chrétienne la plus profonde et la plus tendre ; un livre dont tous ceux qui aimèrent voudraient partager l’illusion, s’il y a illusion, et qui leur rapprendra les larmes.

À une époque où les philosophes étouffent la double personnalité de Dieu et de l’homme dans le je ne sais quoi bête de la substance, avoir essayé de montrer que la notion même du paradis, pour n’être pas incompréhensible, était obligée de se construire de la personnalité