Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petites vengeances. Rien de plus odieux, — de plus fémininement odieux. La seule invention qu’il y eût, dans un pareil livre, c’était probablement beaucoup de mensonges… Mais quant à de l’invention, comme les grands écrivains et les grands artistes en mettent dans leurs œuvres, — de l’invention dans le sens de l’idéal et de la beauté — il n’y en avait pas. C’était là un livre médiocre d’inspiration… et de calcul, car cette inspiration était calculée, sans composition, sans mise en scène supérieure, vulgaire de détails, colorié plutôt que coloré, tant grossière en est la peinture ! Incapable de creuser longtemps dans la nature humaine et de nous faire un livre profond de ce qu’elle y aurait trouvé, Mme Colet a pour ressource de plaquer autour des amours avilissants et avilis, dont elle nous raconte les orages, de longues descriptions de Venise, fourbues à force d’avoir servi, et des citations de Byron toujours inévitables, quand on parle de Venise et qu’on n’a pas en soi d’impression, neuve et sincère. Or Mme Colet n’en a pas. C’est un écho et, malgré le gonflement des mots, un écho qui affaiblit ce qu’il répète. Seulement, ici, dans ce livre de Lui on aurait pu croire que, puisqu’il s’agissait d’un amour partagé, ce qui ailleurs, n’était qu’un écho allait devenir une voix. Mais rien de pareil n’a eu lieu. Le bas-bleu qui gâte tout, jusqu’à la femme passionnée, le bas-bleu qui pue éternellement les livres qu’il a lus, n’a pas plus la vérité du cœur que de la pensée et manque autant d’originalité dans la passion que dans le talent.

Et si cette originalité fait défaut dans un livre personnel et dans lequel la personnalité de l’auteur est intéressée et blessée, que doit être cette absence d’originalité dans des livres qui ont la prétention d’être impersonnels ?.. Les Derniers Marquis et les Derniers Abbés, si on en croit l’ambition de leurs titres, sont de ces livres-là. Ils sont et doivent être la peinture vivante d’une classe disparue, selon l’auteur, ou qui est sur le point de