Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/368

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d’une convention ou d’une convenance sociales — d’une manière générale de sentir et de penser ; et les Bas-bleus, avec leurs livres, leurs thèses et leurs affectations, ont tant bleui le monde, que le monde ne s’apercevra bientôt plus de la couleur de leurs bas !

Mais les époques ne sont qu’un jour dans la durée, et le ridicule individuel qui se perd dans le ridicule de toute une société et y devient imperceptible, l’Histoire le voit, le ramasse et le soufflette de sa lumière. L’Histoire ne fait pas toujours aux hommes l’honneur d’être sévère… Il est des décadences qui ne méritent que le rire de son mépris. Tomber n’est pas toujours tragique. Il y a pour les nations comme pour les hommes des chutes grotesques. Toutes n’ont pas la grandeur du Vice, la poésie de la Monstruosité. Il y a de petites décadences, disait Galiani. Mais je ne crois pas que dans l’histoire, il y en ait une plus petite que celle qui nous menace. Je ne crois pas qu’il y en ait de plus honteuse que celle d’un peuple qui fut mâle et qui va mourir en proie aux femelles de son espèce… Rome mourut en proie aux Gladiateurs ; la Grèce, aux Sophistes ; Byzance, aux Eunuques : mais les Eunuques sont encore des débris d’hommes. Il peut rester à ces mutilés une tête virile, comme celle de Narsès, tandis que nous, nous mourons en proie aux femmes, et émasculés par elles, pour être mieux en égalité avec elles… Beaucoup de peuples sont morts pourris par des courtisanes, mais les courtisanes sont dans la nature et les Bas-bleus n’y sont pas ! Ils sont dans une civilisation dépravée, dégradée, qui meurt de l’être, et telle que, dans l’histoire, on n’en avait pas vu encore. Jusqu’ici, les sociétés les plus avancées comme les plus sauvages avaient accepté ou subi les hiérarchies sans lesquelles les sociétés ne sauraient vivre, et maintenant on n’en supporte plus… C’est la gloire du Progrès ! L’Orgueil, ce vice des hommes, est descendu jusque dans le cœur de la femme, qui s’est mise debout pour