Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/178

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de rénovation littéraire, l’Histoire si longtemps hostile à l’Église, et devenue presque innocente à force d’imbécillité sous les dernières plumes qui l’avaient écrite, l’Histoire remonta dans l’opinion des hommes par le talent et par le sérieux des recherches, mais elle remonta aussi dans le danger dont l’abjection de beaucoup d’écrivains semblait avoir délivré l’Église. L’Église retrouvait tout à coup ses ennemis du dix-huitième siècle, non plus insolents, épigrammatiques et frivoles, comme au temps de Voltaire et de Montesquieu, mais respectueux, dogmatiques et profonds, et qui avaient inventé pour draper leur haine deux superbes manteaux dont celui de Tartuffe n’aurait été qu’un pan, l’éclectisme et l’impartialité.

Jamais l’Église ne courut plus de danger peut-être qu’avec ces respectueux, qui la saluaient pour mieux faire croire qu’elle était morte ; et M. l’abbé Gorini le comprit. Ce dut être quelque publication d’alors qui lui montra, comme un éclair, latente au fond de son esprit, sa vocation de critique historique, car il le devint, malgré sa position isolée, éloignée des villes, de toute source intellectuelle, de tout renseignement ; impuissant en tout ! Il le devint, et lui seul pourrait nous dire comment il s’y prit pour le devenir. Il avait deux à trois amis à des points assez distants dans le pays, et qui possédaient quelques bouquins comme on en a à la campagne. Il les leur emprunta et il en chercha encore. Il se fit un mendiant de livres ! un frère quêteur, un capucin d’Érudition !

On le rencontrait par les chemins, courbé sous le poids des volumes qu’il rapportait à dos, comme les pauvres rapportent leur bois et leur pain. Ceux-là une