Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/261

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du dix-huitième siècle à l’homme et à la société. Seulement, plus frappé que personne, en vertu de son tour d’esprit, de l’inutilité des charges à fond exécutées par les meilleures intelligences contre la Révolution dans les systèmes qu’elle a engendrés par la tête de ses plus illustres penseurs, et voyant, sur ces systèmes rompus, déshonorés, défaits, la Révolution vivre encore et continuer de ravager la pensée sociale, M. Saint-Bonnet s’est dit qu’il fallait l’attaquer plus profondément, plus intimement que dans ces systèmes, forteresses de quelques jours ! Il s’est dit qu’il fallait la poursuivre jusque dans son dernier retranchement, jusque dans les facultés de l’homme, faussées et perdues par une éducation première, et qui n’en restent pas moins perdues, quand l’homme ne croit plus à la lettre de son enseignement. Or, de toutes les facultés de l’homme, la plus gauchie, la plus radicalement altérée, c’est précisément celle-là que la philosophie croit avoir le plus développée ; c’est la faculté qui sert à concevoir le vrai, la Raison ! Pour le prouver, M. Saint-Bonnet nous en fait l’histoire. Il nous en raconte les défaillances. Terrifiante et majestueuse peinture ! Le propre des esprits véritablement supérieurs est d’élever jusqu’à eux les questions qu’ils posent, et de n’en descendre pas moins jusqu’au fond de ces questions soulevées. M. Saint-Bonnet a prouvé à quelle race d’esprits il appartenait, en donnant pour base à une question de réforme dans l’éducation publique cette histoire de l’affaiblissement de la raison en Europe, qui serait la plus sûre prophétie de notre prochaine décadence, si le livre où elle est annoncée ne renfermait pas les meilleurs moyens de l’éviter !