Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/347

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la résurrection, ces deux contraires, du tout au tout, sont mêlés par M. Enfantin dans les plateaux d’une seule balance et il en constate l’égalité. Il en fait de même de son esprit, à lui, Enfantin ! et de l’esprit de Jésus-Christ, et il croit évidemment que nous admettrons de telles choses !! Il semble avoir un œil qui grossit l’infiniment presque rien et un œil qui réduit à presque rien l’infiniment grand. Son procédé, s’il est de bonne foi, ce dont il est d’ailleurs permis de douter, pour l’honneur de son intelligence, consiste à renverser la pyramide, mais en élargissant la pointe qui formait le haut et en en diminuant la base. C’est donc, tout en parlant avec componction des idées chrétiennes, le renversement, bout pour bout, de ces idées et la ruine de la civilisation qu’elles ont faite.

On sait de reste ce qu’a été cette civilisation, fondée sur le principe de la pénitence, qui n’est autre chose que la sanction de la morale en Dieu, sans laquelle sanction il n’y aurait point de morale. Cette civilisation a donné des fruits dont nous vivons toujours, quoique nous les ayons empoisonnés… Eh bien ! prenez-en aujourd’hui toutes les forces vives, et demandez-vous ce qu’elles deviennent avec ce panthéisme charnel que M. Enfantin proclame comme la religion du progrès. Est-ce le sien ?

Pauvres diables de dieux que les dieux d’aujourd’hui !

M. Enfantin qui, s’il n’a pas été Dieu, en a été bien près, condamne la guerre, par amour et respect de la chair, avec ces lâchetés d’humanitaire, qui auraient fait reculer le droit humain de plus d’un siècle, si elles