Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/348

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avaient eu dernièrement de l’action à Sébastopol. Il se jette à genoux pour nous demander grâce en faveur des assassins, aimant mieux supprimer la morale que d’utiliser l’échafaud ! Il sourit aux prostituées qu’il indulgencie, embrasse et pardonne, mais à la condition qu’elles ne flétriront jamais leur précieuse chair par le repentir ! Entendez-vous, Mesdemoiselles ! Il voit le capucin de l’Église romaine avec un dégoût, plein d’entrailles, il est vrai, car M. Enfantin, qui joue à la grande tendresse du Père, fourre des entrailles partout, jusque dans ses dégoûts. Et comment pourrait-il supporter le capucin, le héros des vertus humbles, simples et fortes qui dominent le corps et le font magnifiquement obéir ? la chair n’a pas ses joies dans le capucin. Enfin il finit par cet idiotisme de toutes les sectes du progrès, quelque nom qu’elles portent, l’affirmation de l’actualité ou de l’éventualité du royaume des cieux sur la terre. Vous le voyez, le changement qui s’est opéré, doctrinalement parlant, en ces vingt-trois années, n’a pas été immense. L’esprit se modifie peu chez les saint-simoniens. Il n’y a que la chair qui change. Le bel Enfantin de la salle Taitbout ne se reconnaîtrait plus et ne pourrait maintenant fasciner personne ; mais quant à la Religion qu’il enseigne, elle sort du silence, qu’elle a gardé si longtemps, absolument la même qu’elle y était entrée. Elle n’a rien gagné à ce silence, si ce n’est pourtant de l’avoir gardé. Il ressemblait tant à l’oubli !