Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/361

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expression noble qui ne manquera jamais, si elle l’est, l’effet grandiose de la nature », dit ce tulipier de la phrase, et pardonnez-nous de l’avoir appelé « un beau parleur scientifique » après cela !

Du reste, il n’y a pas que ce beau langage, à triple détente ou à triple illusion, qui fait croire peut-être aux savants qu’ils sont des poètes, — aux poètes qu’ils sont des savants — et aux ignorants sans imagination (la foule) qu’ils sont des poètes et des savants tout à la fois, il n’y a pas que cette langue confuse qui plaît aux esprits troublés, dont elle augmente le trouble, avec quoi l’on puisse expliquer la popularité de Humboldt et le prosternement général devant son génie. Il y a d’autres causes d’une gloire si vite consentie, dans le détail desquelles nous pourrions entrer, et l’une d’elles, sans aller plus loin, c’est cet amour des faits qui a succédé chez nous à l’ancien amour des idées. Cet amour des faits, dans une nation qui n’a jamais beaucoup rêvé, mais dont le beau front pensif savait méditer, même sous la tente, cet amour des faits a fait accepter à la France, comme un des siens, cet Allemand, — mais Allemand de Berlin, — qui ne rêvait pas et qui s’occupait d’empiler les faits comme un statisticien français du dix-neuvième siècle, Le Kosmos, cette pyramide de faits, cette colonne Vendôme de grains de poussière superposés, lui a paru, tout inachevé qu’il est, beaucoup plus beau et surtout plus utile (la tocade du temps, l’utile !) qu’une de ces fortes théories scientifiques, bâties avec la pierre vive de l’idée et le ciment tenace du raisonnement.

Dans une époque qui pousse cet amour des faits jusqu’