Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/439

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partout en eux à cette heure, aussi bien dans le plus puissant devenu le plus prudent, et qui affecte, pour désorienter l’opinion et n’y pas répondre, de sculpter avec un amour comiquement idolâtre le buste d’une femme sur un tombeau, que dans le plus faible resté le plus hardi, — puisqu’il est resté philosophe, — s’efforçant vainement, dans son interprétation de la métaphysique de saint Anselme, d’échapper aux conséquences, maintenant dévoilées, de la philosophie qui les a également asservis !

Car tel est le but, sinon atteint, du moins visé, du nouvel ouvrage de M. de Rémusat. Maintenir le fondement de la philosophie rationaliste, de cette philosophie qui n’est pas autre chose que le protestantisme en métaphysique, mais échapper aux conséquences panthéistiques de cette philosophie, devant lesquelles le monde, plus chrétien encore qu’il ne pense, se cabre encore avec effroi, tel est le but que s’est proposé M. de Rémusat dans sa monographie intellectuelle de Saint Anselme. Pourquoi s’est-il donné un pareil but ? A-t-il tremblé dans sa conscience logique ou dans sa conscience morale, en voyant les conséquences terribles, dégagées enfin de ce qu’il crut la vérité si longtemps ? Est-ce la chose en soi qui l’a révolté, ou l’effet actuel de cette chose sur le monde, qui lui a paru compromettant ? Nous n’avons point à faire un travail d’Hercule en sondant les reins ou le cœur des philosophes, ces étables d’Augias humaines. Mais toujours est-il que ce but impossible d’une charte taillée entre un principe et sa conclusion, M. de Rémusat se l’est donné. Très au courant du mouvement d’idées qui s’est produit du côté