Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/452

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esprit humain, — quand elle fut obligée d’écrire, soit pour se soulager d’elle-même, soit pour remplir un grand devoir, — fit tenir, dans les limites étouffantes d’une langue finie, le plus de son infinité ?


II

L’infinité ! Voilà, en effet, le caractère des œuvres de Sainte Térèse. Voilà la marque distinctive et à part de ce talent, qui n’est pas un talent ; de ce génie qui n’est pas un génie, quoiqu’on lui donne ce nom pour l’exprimer, parce qu’il n’y a pas de nom au-dessus de ce nom. L’infinité ! Certainement il y a de l’infini dans toute âme, mais il y est, et même dans les plus grandes, à l’état latent, mystérieux, sommeillant, comme l’Esprit sommeillait sur les Eaux, tandis que dans l’âme de Térèse l’infini déchire son mystère, se fait visible et passe dans le langage où la pensée déborde les mots.

Cette héroïne de la vie spirituelle est infinie d’intuition, de profondeur, de subtilité, mais ne l’entendez pas dans le sens littéraire qui voudrait dire excessivement intuitive, excessivement profonde, excessivement subtile. Vous vous tromperiez ! Elle est infinie, infinie dans le sens métaphysique. Elle est infinie comme depuis elle, Pascal l’a été quelquefois, dans quelques-unes de ses Pensées. Seulement ce ne fut que quelquefois, et Sainte Térèse, c’est toujours ! Et ce n’est pas non plus toute la différence à mettre entre Sainte Térèse et Pascal. Pascal est infini dans le doute, dans