Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/46

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agrandit vainement et cache mal sous le trompe-l’œil des détails scientifiques une théorie qui, réduite à ses plus simples termes, n’est que ridicule et… immorale, car voilà son côté sérieux ! La métempsychose ou la transformation successive de l’humanité emporte la morale humaine dans sa visible absurdité. Si cette transformation qui recommence toujours est en effet la loi du monde, tous les crimes et même l’assassinat ne sont plus que des dérangements de molécules qui sauront toujours bien se reconstituer, et l’affreux poète du suicide avait bien raison quand il chantait :

 
De son sort l’homme seul dispose !
Il a toujours, quand il lui plaît,
Dans la balle d’un pistolet
La clef de sa métamorphose !


Telle est la conclusion que les hommes pratiques tireront de la doctrine du philosophe. Assurément on doit espérer que de si dégradantes conséquences, une fois seulement indiquées, diminueront un peu, dans l’opinion, l’importance que le parti philosophique anti-chrétien veut créer au livre de M. Jean Reynaud.

Et qu’on nous permette d’ajouter encore un dernier mot.

Quand on s’élève à une certaine hauteur, il n’y a plus que deux sortes de livres, — deux grandes catégories dans lesquelles tous les genres et tous les sujets peuvent rentrer ; les livres faits par l’Observation et les livres faits par la Rêverie. Observation et Rêverie, voilà les tiges-mères de toutes les familles de l’esprit humain ! Eh bien ! ni comme observateur ni comme rêveur,