Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/460

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tordus, cet amas sublime d’organes dissous sur lesquels flamboyait l’Extase, l’ombre de fille consumée qui vécut, deux trous ouverts au cœur, les deux trous par lesquels le glaive du Séraphin avait passé, et si physiquement et si réellement, qu’après sa mort, sur le cœur même, on put constater la blessure.

Non, la Térèse que vous trouvez ici peut tout aussi bien s’appeler Héloïse. Ce n’est ni la brûlante Visionnaire de la Vie, la pluie de larmes qui coula toujours, ni l’Extatique torturée, l’ardente poétesse d’après la Communion qui nous a laissé ce livre des Exclamations où les phrases ne sont plus que des cris, et ce n’est pas non plus la Sainte Térèse du livre des Fondations. La Sainte Térèse des Fondations a été dévorée par le feu de l’autre Térèse, aux yeux éblouis de ces pauvres hommes qui répugnent toujours à accepter, dans un seul être, deux grandeurs.

En effet, fermez cette poitrine entr’ouverte. Essuyez la sueur de sang qui perle au lin de ce bandeau. Tarissez ces larmes dans ces yeux pâmés vers le ciel, et qui, fermes et attentifs, redescendent tout à coup sur la terre, et vous avez la seconde grandeur de Sainte Térèse, vous avez la Térèse des Fondations ! La Térèse des Fondations est la Marthe de la Volonté, calme et toute-puissante, après la Marie de l’Amour, après la Marie des Sept-Douleurs et des Sept-Joies ! La Térèse des Fondations est une des plus majestueuses femmes d’État qui se soient assises par terre ou sur un escabeau, au lieu de s’asseoir sur un trône ! C’est une Blanche de Castille au cloître, mais supérieure à la mère de saint Louis par cela seul qu’elle est restée vierge et n’en fut pas moins mère — la