Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/462

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de la nature de celui-ci que nous pouvons donner une idée complète de la vie de Sainte Térèse, écrite par elle-même ; il faudrait s’arrêter plus longtemps que nous ne le pouvons. Dire que c’est la vie d’une âme éprise de Dieu et de perfection, qui a monté pendant quarante ans, chaque jour, une marche du ciel, le chrétien seul nous comprendrait, le chrétien qui sait à quel prix sanglant s’achète cette lente et magnifique Assomption de l’Amour ! Or, le livre de Sainte Térèse n’est pas seulement un chef-d’œuvre pour les Initiés de la Foi. En restant dans une appréciation purement humaine et littéraire, et en écartant toutes les questions théologiques qui se rattachent à une existence prodigieuse et impossible à expliquer avec les lois physiologiques dont nous sommes si fiers, la Vie de Sainte Térèse, confessée par elle, est un de ces grands fragments de l’esprit humain, qui importent à l’esprit humain tout entier.

Si des hommes comme Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire sont des colosses d’investigation et de profondeur dans les sciences naturelles, dans le monde extérieur de la vie, une Sainte Térèse est un colosse du même ordre, à l’opposite de ces sciences, dans le monde interne de la spiritualité. Elle a percé, comme eux ont percé dans leur sphère. Elle a retourné les racines du cœur, en nous étalant le sien. Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique, exaltée par la prière et trouvant dans l’échauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri