Page:Barbey d’Aurevilly - Les Philosophes et les Écrivains religieux, 1860.djvu/56

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entre les blocs carrés et lisses de son style au ciment romain.

Le style d’un homme, lorsque cet homme n’est pas assez fort pour le faire avec sa seule manière de sentir, a ses origines. Pascal, par exemple, c’est Montaigne, plus la manière de sentir de Pascal, et cette manière, c’était l’épouvante, l’effarement, le cabrement devant l’abîme. L’origine du style de Donoso Cortès est saint Augustin dans ses Confessions. Saint Augustin l’attire par sa tendresse, la grande qualité de son esprit et de son âme. Il l’attire aussi par son défaut peut-être, car saint Augustin sous les magnificences de son génie, comme Donoso Cortès sous le sien, cache son atome de rhéteur.


IV

Tel nous trouvons en ces trois volumes le talent du marquis de Valdegamas. Plus oratoire que littéraire, Donoso Cortès a, même lorsqu’il s’efforce d’être didactique, comme dans son Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, les aspirations, les apostrophes, le mouvement et le redoublement antithétique. Il a de l’orateur ; il doit avoir lu immensément les sermonaires ; il a les grands mots oratoires qui une fois dits ne s’oublient plus. « Ou un seul homme, dit-il un jour, suffirait pour sauver la société ; cet homme n’existe pas, ou, s’il existe, Dieu dissout pour lui un peu de poison dans les airs ! » Un autre jour : « Dieu a fait la chair pour la pourriture, et le couteau pour