Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/109

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Brizeux ne l’a point, et quoique d’être exclusivement Breton lui eût donné, dans le talent, bien des choses qui lui manquent, ce sentimental cultivé, dont nous regrettons la culture, n’était pas, au fond, plus organisé pour avoir du génie en kimri qu’en français. Ce n’était qu’un talent d’une originalité relative.

Comparez-le à un autre idyllique-élégiaque, — André Chénier, par exemple, — et malgré tout, malgré l’inspiration sensuelle et. païenne, la vieille mythologie usée, tout un monde connu et l’imitation archaïque d’André qui se fait Grec, et aussi malgré l’inspiration chrétienne au contraire, qui donne toujours un accent profond, malgré des mœurs neuves en poésie, et supérieures en morale, enfin malgré tous les détails du pays moins connu et moins classique de ce Breton qui se défait Breton, voyez si l’originalité, l’inoubliable originalité, n’est pas du côté de celui qui devrait être, à ce qu’il semble, le moins original des deux ! André Chénier ! mais Victor Hugo lui-même, avec sa couleur orientale, cet homme du gothique flamboyant, ne nous a pas effacé Chénier, tandis qu’il n’y a pas de poète au XIXe siècle qui, par le contraste, ne puisse nous éteindre ces gouaches de Brizeux dont la céruse ne nous parut lumineuse que parce qu’elles étaient sur le fond gris-sale de la Revue des Deux-Mondes !

En effet, où Gustave Planche était critique, un poète comme Brizeux devait paraître presque éblouissant ! Le poème de Marie, qui fut publié là pour la première fois et qui est resté le chef-d’œuvre de son auteur dans l’opinion générale, ne fut qu’un succès de nuances. Brizeux avait enlevé celle de ce poème, avec une