Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/110

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grande légèreté de main, au monde du sentiment et au monde de la sensation, mais ni l’un ni l’autre de ces deux mondes n’y avaient été exprimés de manière à porter dans les esprits, où il éveille d’immortels échos, ce violent coup de l’originalité qui est comme la détonation du génie ! Il n’y avait dans le poème de Marie qu’un peu de Bretagne et qu’un peu de jeunesse. Voilà tout ! Deux duvets ! celui d’une fleur des landes jusque-là irrespirée et. celui de l’adolescence sur une joue que le premier amour venait de mouiller de sa première larme. Brizeux lui-même disait de sa personne d’alors :

Je n’avais que seize ans, léger de corps et d’âme ;

Mes cheveux entouraient mon front d’un filet d’or.

Et l’on croirait quand il parle ainsi qu’il parle de son talent, qui n’eut jamais que seize ans… Cela finit par devenir trop jeune, comme le filet d’or, aminci quand il ne grandit pas, finit, incertaine auréole, par ne plus ressembler qu’à un fil !

Mais si la grande originalité qui n’a pas d’âge, l’originalité absolue, manquait à Brizeux, à ce poète parfumé de Bretagne, mais qui n’en était pas pénétré, la relative qu’attestent ses poésies leur donne une valeur qui l’emporte, selon moi, sur bien des poésies que nous avons vues se produire depuis qu’il n’est plus. J’aime mieux pour mon compte cette simple et quelquefois trop simple poésie de Brizeux que la poésie vide de cruches, qui se croient des amphores, de ces Grecs du XVIe siècle, au XIXe, qui se croient