Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/156

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plus haute et moins exploitée par les petites gens de la poésie contemporaine qui vivent depuis vingt ans des miettes tombées de la table d’Alfred de Musset. Ce n’est pas tout que d’avoir, en beaucoup d’endroits, spiritualisé sa manière, il faut de plus spiritualiser son inspiration. Il n’y a de durée et de beauté réelle dans la poésie qu’à ce prix. Toute poésie matérielle aura le sort de la matière. Elle se dissoudra au souffle du temps. Elle mourra vite. Qui parle aujourd’hui des Iambes physiques de M. Auguste Barbier, lesquels firent palpiter, dans le temps, tous les grossiers instincts de nos âmes que nous prenions pour de la force ? … Quelques stances de cet Ariel de la poésie, de cet Hégésippe mort dans le premier duvet de fleur de son génie, dureront davantage, chastes beautés idéales, préservées par leur pure immatérialité ! Spiritualiser son inspiration ! Cela doit-il donc tant coûter au poète qui a écrit les vers A ma mère et cette fière et religieuse épître à M. Alfred de Vigny, après la fête du 4 mai 1850 ? Ce que nous aimons dans M. Roger de Beauvoir, ce qui nous a toujours empêché de le confondre, malgré ses erreurs d’homme et de poète, avec les Gentils de notre temps, avec les Idolâtres de la Forme qui n’ont d’autre dieu que le fétiche qu’ils ont eux-mêmes sculpté, c’est le parfum des croyances premières et flétries, mais qu’on retrouve toujours à certaines places de ses écrits ; c’est ce christianisme ressouvenu qu’il tient peut-être de sa mère et qui revient de temps en temps et comme malgré lui, dans sa voix :