Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/168

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si rare, en effet, que dans l’histoire littéraire on le cherche en vain ? Sapho, cette réponse solitaire, n’est pas une réplique. Sans son suicide et sans ses vices, Sapho ne serait qu’un exemple de prosodie, à l’usage de ceux qui, comme Trissotin, ne se sentent pas d’aise de savoir le grec. « Je ne sais pas ce qui manque aux femmes, — disait le vieux Corneille, dont la bonhomie sublime fut parfois gauloisement railleuse ; — mais pour faire des vers, il leur manque quelque chose… » et rien de plus vrai ! Ces gracieuses ou nerveuses faiseuses de guirlandes, qui ont comme Mme Desbordes-Valmore

Des bouquets purs noués de noms doux et charmants,

n’ont jamais campé un vers debout, comme leur petit. Elles n’ont pas vidé cette coupe d’Alexandre ni levé cette massue d’Hercule. Tout cela pèse trop à leur main, même quand leur force est centuplée par le génie qui leur est propre et qui, pour la force, leur a souvent versé la fièvre, — le terrible génie de l’amour ! Déjà les femmes simplement et solidement littéraires ne pleuvent pas dans l’histoire ; mais les femmes poètes….. dites-moi, pour que je les ramasse, où il est tombé de ces étoiles filantes, qui ont brillé et se sont évanouies, de ces astres faux qui semblaient se détacher du ciel pour venir à nous et qu’on n’a jamais pu retrouver ? …