Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’avis de M. Charles Asselineau, auteur d’une spirituelle monographie du Sonnet en France, quand il dit : « Le Sonnet est un symptôme en histoire littéraire. On ne le trouve cultivé et florissant qu’aux époques de forte poésie. »

Pour nous, le symptôme est différent : le Sonnet si vanté, à cause de la difficulté vaincue, chez un peuple qui a toujours aimé à vaincre la difficulté, n’est que l’amusette des sociétés qui jouent aux petits jeux de la littérature… Ni les grands noms de Shakespeare, de Milton, de Corneille, de Machiavel, de Pétrarque, qui ont splendidifié ce monde de poésie, si écourté et presque puéril, ne me troublent et ne m’imposent. Ils coulèrent leur pensée dans ce moule parce que ce moule était à la mode de leurs temps, mais ils l’y ont étriquée, étranglée ; c’étaient des aigles pris à la sauterolle ! Tout au plus était-ce bon pour les Voiture et les Benserade, cette forme presque calligraphique de poésie. Si chez nous on les vit renaître après 1830, c’est que nous voulions ressusciter la Renaissance, mais les plus grands poètes de ce temps, Lamartine et Hugo, échappèrent au Sonnet. Ils le dédaignèrent. Plus tard, des esprits curieux, obstinés, plus occupés de mots que de choses, de plus de métier que d’inspiration, des travailleurs à la loupe et à la lampe, des émailleurs, des archaïstes, reprirent le Sonnet en sous-œuvre et lui donnèrent un éclat solide, une netteté de camée et une perfection de burin qui, en France du moins, lui avaient toujours manqué.

C’est là sans doute ce qui a fanatisé pour le Sonnet l’imagination plus savante que spontanée de M. Joséphin Soulary. Naturellement, il était de l’école des