Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/206

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Nous ne lui reprocherons pas non plus d’adopter le vieil enfer traditionnel avec ses démons, ses brasiers, ses chaudières bouillantes, parce que c’est précisément de cette tradition qu’il s’agit. Enfin nous n’élèverons pas contre les tableaux inouïs de bouffonnerie grandiose de ce poète, qui comprend la gaîté et les plaisanteries du Démon, ce grand rieur, les objections mortes et faites jadis contre Milton, Michel-Ange et Shakespeare. M. Amédée Pommier, en peignant l’enfer comme il l’a peint, a été tout ce qu’il a dû être. Mais alors que lui a-t-il manqué ? S’il a l’idée, s’il a l’émotion, s’il a le rhythme, pourquoi son poème n’est-il pas de tout point un chef-d’œuvre ? Question qui se lève tout à coup au bout de nos éloges, et qu’il est facile de résoudre. M. Amédée Pommier a été un grand poète dans tout ce qu’il a compris de l’idée chrétienne, mais, quand cette idée qui l’a élevé au-dessus de lui-même, qui l’a emporté et qui l’a soutenu, l’a laissé à terre, il y est resté.

II

Telle est la grande critique, la grande objection qu’on peut adresser à son livre. Toutes les autres n’ont pas de valeur. Puisqu’il s’emparait de l’idée chrétienne, de cette donnée qu’il faut accepter toute ou rejeter toute, car, si on est chrétien, il n’est pas permis de manquer à sa foi, et, si on est vraiment un homme, d’affaiblir par des arrangements de fantaisie,