Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/216

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Et l’ardent foyer de la fièvre

Gercera votre noire lèvre,

Que de toute humidité sèvre

La lourde touffeur de l’enfer. Vous le voyez, pécheurs infâmes,

Si l’autre vie était un jeu !

Vous avez faim ? mangez des flammes !

Vous avez soif ? buvez du feu !

Et jamais cette ironie divine ne se lasse, et d’un bout de ce poëme à l’autre on l’entend rugir dans ces strophes aux rimes redoublées et dociles, dans ces vers maniés, courbés, assouplis par cet impérieux Maître du rhythme. D’autres que nous ont choisi dans le poëme de M. Pommier les fragments qui pouvaient donner une idée de sa puissance d’incarnation et de relief. Le nouveau poète de l’Enfer est une imagination plastique du premier ordre. Il a les qualités d’expression en ronde-bosse, que les poètes de ce temps ont placées si haut, et de plus il a la correction qu’ils n’ont pas, — la correction irréprochable et sévère qui écrit des strophes comme celle-ci :

Des rouges tenailles les pincent,

Des râpes entament leur chair,

Et leurs dents convulsives grincent

Comme du fer contre du fer !

Comme fait sur la pierre sèche

La scie acariâtre et rèche,

Qui dans le grès ouvre une brèche,

En agaçant ses dents d’acier ;

Comme avant qu’il s’ensevelisse

Égratigne la paroi lisse L’ongle du malheureux qui glisse

Dans la crevasse d’un glacier !