Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/25

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même à ce qu’il fut, dévoré infiniment plus de place que nous n’en avons à lui donner. Si philanthropiques qu’ils puissent être, les livres de la Critique ne sont pas bâtis pour offrir l’hospitalité complète d’une maladrerie aux talents littéraires affectés d’éléphantiasis.

III

Les Contemplations forment deux volumes qui, selon le compte de M. Hugo, font le total de sa vie de poète, « C’est une âme, dit-il, qui se raconte » là-dedans. Une âme ! c’est précisément la question. M. Victor Hugo, qui a toujours le coup de vent lyrique dans les cheveux, même quand il écrit en prose, nous dit, dans deux mots napoléoniens de préface, que « ce sont là les réalités et les fantômes vagues, riants ou funèbres que peut contenir une conscience, revenus, rayon à rayon, soupir à soupir et mêlés dans la même nuée sombre. » Cette conscience, qui se divise en deux tomes, porte deux noms différents : « Autrefois », — « Aujourd’hui ». Autrefois, Aujourd’hui, qui dans tant de gens feraient aisément deux consciences ! Il n’y a là, comme on le voit, ni ombre de combinaison, ni dessin de composition, ni ordre quelconque. Autant valait dire que ce sont des vers pour des vers. Le poète déjà connu est toujours le Narcisse éternel qui a chanté ses cheveux noirs, qui va chanter les blancs, qui palpite pour lui et qui s’effraie pour lui, et s’imagine que tout l’intérêt des lecteurs va s’absorber