Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/260

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Ce poète, aux plus savoureuses nuances bucoliques, unit par nous écœurer à force de philanthropie, de communisme bénis, de fraternité universelle, enfin de toutes ces sucreries hypocrites avec lesquelles on espère nous masquer le goût vrai et âpre de la révolution future. Et voilà comment et pourquoi M. Pierre Dupont, qui aurait dû rester paysan, un jour a passé prolétaire. Voilà comment il a préféré à la cornemuse de Robert Burns, qu’en français nous n’avions jamais entendue, une clarinette de barrière, et que, de poète sous les poutres enfumées de la ferme, à la veillée des filandières, il est devenu un artiste interlope de café chantant !

Ah ! c’est là un meurtre, s’il en fut jamais ! L’autre jour ; à propos d’un bien autre poète que M. Pierre Dupont, nous déplorions le travail funeste que les philosophies modernes ou les idées politiques du jour pratiquaient jusque sur les airains les plus solides en fait de génie, et nous en montrions le ravage ; mais quelle ne doit pas être cette influence quand elle s’exerce sur des esprits plus délicats que forts, comme celui de M. Pierre Dupont, par exemple, qui est à M. Victor Hugo, n’est-il pas vrai ? ce qu’est une flûte de buis à tout un système de trompettes de cuivre et d’or !

Certainement, si cela continue, la pauvre flûte en buis sera bientôt rongée, et les applaudissements de la foule ne consoleront peut-être pas le poète du talent qu’il leur aura sacrifié. Que la Critique le rappelle à ceux qui l’oublient ! Ce que la politique de leur temps tue de poètes, à toute époque, est incalculable. Sans le mare clausum, sa défense régicide