Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/290

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Par l’aube éternelle guidée,

Entrevoyant d’autres beautés,

L’âme, au sort commun décidée,

S’acclimate aux vives clartés

Et se fait à la grande idée, Voit la terre avec d’autres yeux,

Se prépare au voyage étrange,

Laisse à tout d’intimes adieux,

S’observe, s’écoute, se range,

Se tourne souvent vers les cieux ; Se concentre dans elle-même

Laissant déborder par moments

Dans l’amitié de ceux qu’elle aime

Les précurseurs épanchements

De la fin prochaine et suprême ! D’illusions plus n’est besoin.

Pressentant la sphère natale,

De ce monde on prend moins de soin !

Ainsi la sentence fatale

Frappe d’avance — On meurt de loin ! Celui qui gît sur cette couche

N’a pas dit ce qu’il éprouvait,

Mais l’arrêt ancien qui le touche

Depuis longtemps il le savait !

Son secret mourait à sa bouche… Avant d’à jamais t’assoupir,

Douleur déjà vieille et finie,

Que de maux il fallut subir !

Combien de soupirs d’agonie

Termine le dernier soupir ! Hauteur par tant de pas gravie,

Travail progressif et constant,

La mort, – que le mourant envie –

N’est pas toute dans un instant !

Elle prend le tiers de la vie !