Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/359

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ce n’est pas là un ennui relatif que j’éprouve, moi, et que vous n’éprouvez pas, parce que vous êtes autrement fait que moi. Non, c’est un ennui absolu, universel et irrésistible.

Et tenez ! comment en serait-il autrement ? … Épopée emphatique, auprès de laquelle La Pétréide de Thomas, redoutée de Gilbert, ne serait que la plus légère des étrennes mignonnes, conte de fées pataud et niais, satire sociale où le thyrse de Rabelais, avec lequel ce Bacchant du rire enivré savait frapper son temps, est remplacé par l’arme bourgeoise d’un Prudhomme socialiste en mauvaise humeur, qui donne des coups de parapluie à son époque ; enfin, pour achever le tout, l’amphigouri panthéistique dans sa splendeur, voilà l’œuvre de M. Quinet ! Ajoutez-y ce style que nous connaissons, ce style pompeux, sonore, gongorique, qui est aux autres styles célèbres contemporains ce que la grosse caisse est aux autres instruments, dans une musique militaire.

Lorsque de ce style, qui est son genre de prose, M. Quinet veut faire son genre de poésie, alors il arrive à des proportions de gongorisme, attendri et mouillé d’allemanderie, auquel il n’y a plus rien à comparer ! Au travers de ce style inouï qui fait abus des fleurs qui parlent et des oiseaux bleus, commissionnaires de l’Amour, il y a cependant quatre vers qui reviennent sans cesse, mêlés à la prose de M. Quinet, comme le Chœur dans la tragédie antique ; quatre vers, échappés du mirliton moderne,

L’amour commence,

Tout est divin !