Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/63

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dit-il, l’âne qui s’est détourné pour ne pas écraser le crapaud,.

Cet âne abject, souillé, mourant sous le bâton,

Est plus saint que Socrate et plus grand que Platon !

Telles sont les choses que M. Hugo doit au monde moderne dont il veut être à toute force, au lieu de rester simplement et fièrement soi ; telles sont les éclatantes beautés qu’il doit aux opinions de son siècle, devenues les religions de son cœur et de sa pensée ! Certainement, malgré les taches qui déparent encore à nos yeux le meilleur de ses livres, M. Victor Hugo est un grand poète. Mais les grands poètes n’ont pas toujours la faculté de se juger. Aujourd’hui, ce que nous estimons le moins dans La Légende des siècles est peut-être ce que lui, M. Hugo, estime le plus. Oui, qui sait ? … L’auteur des Pauvres gens, cette poésie à la Crabbe, mais d’une touche bien autrement large et émue que celle du réaliste Anglais, le peintre de La Rose de l’infante, ce Vélasquez terminé et couronné par un poète, préfère peut-être à ces chefs-d’œuvre et à tant de pièces que nous avons indiquées déjà les deux morceaux qui terminent le recueil, intitulés Pleine terre et Plein ciel, ces deux morceaux dont je me tairai par respect pour cette Légende des siècles dans laquelle j’ai retrouvé vivant M. Hugo, que je croyais mort, mais qui sont, tous deux, d’une inspiration insensée, et qu’il faut renvoyer… aux Contemplations !