Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/64

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XI

Seulement, si elle existe, l’illusion sera-t-elle éternelle ? … Y a-t-il une lutte en M. Hugo ? Et si nous avons le bonheur qu’il y ait une lutte, quel en sera le résultat ? Qui vaincra, de la vérité du génie ou de la fausseté des opinions ? La Légende des siècles est, à coup sûr, un grand progrès sur les Contemplations, c’est, comme nous n’avons cessé de le dire, le rejaillissement d’un talent qu’on croyait englouti à cent pieds sous terre dans le faux ; mais ce progrès a-t-il été voulu et réfléchi ? Ce rejaillissement ne tient-il point aux sujets que le plan de son poème a imposés au poète ; et dans les poèmes qui vont suivre et qui doivent parachever le plan, dont il nous a parlé dans sa préface, ce poème de Dieu et cette fin de Satan, dont le titre m’inquiète, ne sont-ils pas la preuve qu’au fond, les idées n’ont pas bougé en M. Hugo, qui doivent le plus le désarmer de son génie ? …

De tous les poètes contemporains qui autour de lui firent pléïade, M. Hugo est le seul qui prouve encore par de longues œuvres qu’il n’a pas renoncé à la poésie, cette grande Abandonnée du temps. Les uns sont morts, comme Alfred de Musset, dont la poésie était morte, même avant lui. D’autres se taisent, comme M. Auguste Barbier, épuisé par un cri sublime qu’il n’a jamais recommencé. Les uns, comme