Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/161

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odieux de Catherine, odieux des deux côtés, et pour l’homme qui l’enlève et pour elle, l’enlèvement une fois consenti, il est certainement le morceau le plus pathétique du roman. Les pressentiments de Catherine, sa fuite épouvantée sur ce cheval ardent et méchant, qu’elle ne mène pas et qui la cahote sur sa selle ; l’étendue des neiges autour d’eux, le tocsin qui sonne dans la nuit, les torches qu’on voit courir à l’horizon, la chute de cette fille, qui n’est pas taillée pour être une amazone, mais une ménagère de Flandre, qui va peut-être mourir dans ce chemin, de fatigue, de froid et de peur, et qu’on ramasse et qu’on rejette sur sa selle, presque inanimée, au galop du cheval qui l’emporte, tout cela est haletant, effaré, sinistre, et, sans la grossièreté du misérable coquin auquel elle s’est donnée, serait peut-être tragique et beau. Mais la grossièreté est, qu’il y prenne garde ! l’écueil du roman, et je dirai plus, du talent de M. Feydeau. A tout bout de champ, et dans presque toutes les scènes où le romancier a l’éclair du talent, elle jaillit sous ses pieds, et lui éteint son éclair sous son éclaboussure de fange.

Quant à ce sermon prêché par le dominicain dans l’église de Sainte-Gudule, que M. Sainte-Beuve a cité comme une invention piquante et réussie, outre que ce sermon est trop long et fait trop attendre l’effet qu’il amène et que l’on soupçonne, — la déclaration de Clara à Catherine, dans l’église même, que le dominicain qui tonne là-haut contre les vices est son père,— ce sermon, plus littéraire que sacerdotal, n’est pas une invention qui appartienne en propre à M. Feydeau.